Je m'appelle Jean-Michel Pouré et je suis l'auteur du reportage.
En 2005 et en 2006, les professionnels de l'immobilier on communiqué sur le thème du ralentissement de la hausse et de l'atterrissage en douceur. Mais nous n'avions pas de preuve concrète de la stagnation des prix : les statistiques étaient fournis par les professionnels et les témoignages sur Internet étaient invérifiables.
Pour vérifier la thèse du ralentissement de la hausse, j'ai eu l'idée de mener une étude qualitative sur le terrain.
Dans l'industrie et les services, il est courant de réaliser des études qualitatives (entretiens) complétant les études quantitatives (statistiques). Pour prendre un exemple très simple, quand vous construisez un avion, vous allez étudier des statistiques (c'est l'étude quantitative), mais vous devez également interroger des utilisateurs et des sociétés d'aviation (c'est l'étude qualitative). Généralement, une étude qualitative consiste en un simple entretien, en face à face.
Muni de ma caméra DV, je me suis présenté à des agents immobiliers, qui ont systématiquement refusé de se faire interviewer, me renvoyant vers les organismes professionnels dont le rôle est d'être en contact avec les médias.
J'ai alors décidé de procéder autrement, en utilisant des moyens modernes d'investigation :
D'une part en téléphonant à des agences immobilières dans toute la France (Novembre 2006 à Mars 2007).
D'autre part en menant quelques campagnes de caméras cachées (Avril 2007 à Juin 2007).
Normalement, les campagnes d'enregistrements téléphoniques auraient du suffire à l'enquête. Mais c'était sans compter sur des reproches mettant en doute la véracité des enregistements. On m'accusait de fabriquer des enregistements téléphoniques, en contactant des copains. Pour répondre à ces accusations, j'ai décidé de réaliser des caméras cachées, ce qui est bien plus compliqué ...
Un autre problème allait se dresser devant nous : avec des acheteurs potentiels, les agents immobiliers sont systématiquement très optimistes sur l'avenir du marché. C'est normal, les agents immobiliers sont généralement de bons vendeurs. On me dit de lire de la presse, pour preuve que tout va bien. Bref, c'est le serpent qui se mort la queue.
Pour obtenir des informations sincères, j'ai alors décidé de me faire passer pour un vendeur auprès d'environ 200 agences immobilières. Dans mon approche, j'ai utilisé le vocabulaire et les informations disponibles dans la presse économique.
Ma surprise a été grande quand j'ai constaté qu'on me considérait comme un has been, un sorte de pigeon n'ayant pas compris que les médias diffusent de la publi-information bidon. Dans certains reportages, les agents immobiliers se montrent très critique envers une certaine catégorie de presse. Les agents immobiliers sur le terrain souffrent de la langue de bois et des croyances véhiculées par les organismes professionnels.
Jamais, dans le pire des cauchemards, je n'aurais envisagé une conjoncture aussi dégradée dans l'immobilier.
En France, il semblerait que la crise ait commencé durant l'année 2006/2007 et qu'elle était alors inconnue du grand public.
Durant le tournage, j'ai publié mes vidéos au fur et à mesure de leur réalisation. C'était probablement une mauvaise stratégie, car j'ai rapidement été filé par une équipe de détectives professionnels, qui n'ont exercé aucune pression physique à mon encontre. Par mesure de précaution, j'ai décité à mettre fin au tournage en Juin 2007. Visiblement, les moyens déployés pour me fliquer dépassaient largement le cadre d'un petit reportage amateur. Depuis la fin du reportage je fais l'objet d'un harcellement téléphonique en règle, on a même cambriolé ma résidence. J'ai porté plainte. Mais je ne suis plus suivi dans mes déplacements quotidiens.
En Juin 2007, j'ai rencontré une dizaine de journalistes spécialisés, des plus grandes rédactions, pour leur montrer mon reportage. A part un journaliste du Parisien, aucun n'a relayé les scoops contenus dans ces vidéos.
En me rendant dans les rédactions, j'ai découvert que les articles de presse étaient écrits à distance, sur informations communiquées par des professionnels de l'immobilier, sans contre-enquête sur le terrain. Le texte Le désert médiatique est une oasis résume mon point de vue concernant les médias.
Les rushs du reportage sont disponibles dans leur intégralité, sans coupure. Je n'ai jamais rencontré un seul agent immobilier optimiste et je n'ai jamais sélectionné les enregistrements. Certaines interviews sont surréalistes. Plusieurs internautes nous ont fait remarquer que l'approche était comparable à celle des Yes-Men, car nous utilisons la rhétorique de professionnels, jusqu'à tester les limites du système médiatique.
Le reportage est intitulé "Les super-héros de l'immobilier" en référence aux pouvoir magiques des agents immobiliers : transformer le béton en or, descendre en montant, etc ... C'est un peu une blague d'insiser concernant le super-discours de l'immobilier. Mais il y a un deuxième niveau de lecture : les super-héros de l'immobilier sont aussi les internautes qui vont contre l'opinion générale et qui prennent leur caméra.
Ce documentaire est le seul reportage jamais réalisé en caméra cachée dans des agences immobilières. Il a été réalisé quelques mois avant le début de la crise du Suprime, qui marque la fin d'un âge d'Or. On comprend que le krach n'arrive pas d'un coup en Juillet 2007, importé des U.S.A, mais qu'il mûrit durant de longs mois, un peu à la manière d'un ver qui mangerait une pomme pourrie.
En France, tout le monde était au courant du basculement du marché immobilier dès la fin de l'année 2006, surtout chez les professionnels.
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